Mots : Patrick Thibeault
Image : Thibault Renouf


Imaginez-vous en Suisse. Vous y avez déjà été? Moi non. Mais je vois les images dans ma tête : des montagnes, des chocolats, des chiens Saint-Bernard et des chalets en bois dotés de drapeaux aux couleurs canadiennes avec des tendances premiers soins. Comme de raison, étant un gars de bouffe (et de Bouffe), je connaissais le fromage emmental, plus couramment connu comme le fromage suisse, celui avec les gros trous qui se retrouve dans tous les dessins clichés de souris. Mais je connaissais surtout la version supermarché du fromage suisse. Pas trop inspirant. Comme la madame derrière le comptoir au Subway qui te demande si tu veux le fromage jaune ou blanc. Soyons honnête et admettons que ça ne fait pas de différence. Les deux sont des cousins proches de notre nouvelle monnaie plastique. Qu’importe la couleur? 

Par une belle journée ensoleillée, à l’aube du printemps, voilà que deux hommes vêtus comme des agents secrets débarquent chez nous. Naturellement, l’un d’eux porte une roche sur un plateau. Ils disent être des envoyés des fromages suisse Kaltbach. Leurs paroles exactes sont « Nous sommes des envoyés des fromages suisse Kaltbach. » L’agent avec les mains vides m’offre une petite carte noire sur laquelle sont inscrit les mots « À ouvrir avant 17h. » Pourquoi avant 17h? Il y a quelque chose de vivant à l’intérieur? Une petite fée suisse peut-être? Les deux hommes ne répondent pas. Je comprend par leur silence que les Suisses ne sont toujours pas ouverts à rire de leurs fées. Ça ou ces agents ont un minivan noir plein de roches à livrer et peu de temps pour jaser avec un fou en jaquette. 

Les agents repartent sur leur mission et moi je m’installe à mon îlot de cuisine avec ma roche. Muni des lunettes de sécurité et du petit marteau en cuivre fournis, je commence la fouille, un Indiana Jones urbain à qui n’appartient point de fouet. À l’intérieur de la roche, qui fait appel à la grotte d’affinage de Kaltbach au coeur des labyrinthes souterrains du Mont Santenberg, il y a une boîte en bois. Et, finalement, au coeur de cette matriochka fantastique, il y a trois fromages de lait cru de Kaltbach : l’Emmental, le Gruyère et l’Extra-corsé. 

Comme un bon gastronome, je suis la règle d’or de la présentation de fromages : m’assurer qu’ils soient à la température de la pièce ou, plus précisément, à mon approximation de la température de la pièce de la grotte humide dans laquelle ils furent affinés. Trop froid et je perdrai les arômes et les saveurs complexes des fromages. Trop chaud et ils sueraient, devenant flasques et moins appétissants. Quoique je les mangerais tout de même. Ce serait un sacrilège de gaspiller de tels fromages! 

Je commence ma dégustation avec le premier fromage, l’Emmental, que je surnomme la caresse douce. Un fromage discret, il se glisse sous la dent avec facilité et tendresse. Ensuite, le coup de coeur, le Gruyère. Là c’est vachement crémeux et parsemé de cristaux de sel avec un goût fruité qui rappel les ananas sauvages de la Suisse. Comme mon Comté bien aimé, ce fromage habite l’espace entre la caresse douce et la fessée d’amour. Alors, suite logique de la métaphore, ma petite dégustation se termine avec le bien nommé Extra-corsé, la susmentionnée fessée d’amour. Là c’est très robuste, à servir avec un vin rouge qui fait pleurer les néophytes et aussi avec une amoureuse (ou amoureux) qui partage un goût pour les sensations fortes. 

La qualité bien assurée, j’appelle mes amis gourmands. « J’ai reçu une roche d’envoyés des fromages suisse Kaltbach. Vous voulez goûter? » Ils arriveront dans 15 minutes, le temps de bien préparer le tout. Ce dont j’ai besoin : 

1) Une planche suffisamment grosse pour ne pas rendre le coupage malcommode ; 

2) Un couteau pour chaque fromage, question d’éviter que des grains d’Extra-corsé viennent envahir le tendre Emmental ; 

3) Quelques fruits pour neutraliser le palais lors de la dégustation. Dans mon frigo j’avais des raisins californiens et des fraises mexicaines. Pas facile d’être locavore au début du printemps. Au moins, ça fera un plateau très international. 

Mes amis arrivent et nous dégustons. Comme moi, ils adorent. Quant à la métaphore, ils sont d’accord mais auraient préférés quelque chose de moins érotique. « Rien à faire. » je réponds. « C’est ce qu’il arrive lorsque ma journée commence avec des envoyés des fromages suisse Kaltbach qui se présentent à ma porte avec une roche sur un plateau. »

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