En janvier 2012, je me suis dit que cette fois, c’était la bonne. Mon dernier morceau de viande, c’était à Noël. Je me suis rendue compte que je ne ressentais pas vraiment de manque. Je ne me posais même pas la question.
Au quotidien, dans mon petit appartement, cuisiner ne semblait pas une montagne insurmontable. Je troquais facilement ma recette de poulet au curry en curry de légumes. En mon for intérieur, je me décernais même une petite pastille chaque mois, comme celles qu’on donne aux anciens drogués ou alcooliques pour matérialiser leur abstinence. Quatre mois sans viande. Puis cinq. Puis six.
Puis il y a eu le McDo.
C’était pendant les vacances. Et qui dit vacances, dit sorties nocturnes. Les bières que j’ai enquillées cette fois-ci ont eu raison de moi. Non, cela n’avait rien à voir avec de la mauvaise volonté. Passé une certaine heure, la faim s’était fait ressentir pour nous tous. « On a qu’à aller au McDo », a lancé l’un de nous. Pour rappel, après le foie gras, l’enseigne de fast-food obtient la deuxième meilleure note dans la catégorie « souffrance animale ».
Avant, j’avais l’habitude de m’enfiler de temps en temps un petit wrap. De ceux fournis en salade, et « nuggets » croustillants à l’extérieur, moelleux à l’intérieur. Et cette sauce. Bon dieu cette sauce. « Aller, juste une fois, c’est pas si grave ». J’ai tenté de déculpabiliser. Dans ma tête, j’ai vu la pile de mes pastilles de bonne conduite s’effondrer, lorsque j’ai englouti la première bouchée de ce met, qui à ce moment-là, me semblait absolument délicieux.
Pendant longtemps, je n’ai pas raconté cet épisode à mes proches. Ceux qui étaient avec moi ce soir-là n’ont pas cru bon de s’en souvenir non plus. Il restait que pour eux, c’était bien normal de se manger un McDo après quelques bières en terrasse. On allait quand même pas finir la soirée au tofu et aux graines !
J’avais une excuse évidemment : l’alcool. Bien connu pour faire sauter quelques barrières. Je ne peux pas en dire autant de la fois où je me suis enfilée une énorme currywurst. Parce que oui voilà, la currywurst, c’était mon péché mignon. Une bonne saucisse calée entre deux tranches de pain servie avec un ketchup au curry. Alors lorsqu’on m’a vendu un petit bouiboui berlinois comme étant le temple de la currywurst, c’était dur de résister. En fait, je n’ai même pas essayé. C’était une C-U-R-R-Y-W-U-R-S-T vous comprenez! Avec le recul, je sais maintenant que non, ce n’était pas la saucisse la chose la plus délicieuse de ce plat typique, mais bien la sauce. Qui se passe très bien de la saucisse d’ailleurs.
Six mois de végétarisme à la poubelle pour une currywurst ? J’ai préféré estimer que ce n’était pas le pire des crimes. Bien qu’aujourd’hui, je pense que je résisterai.
Ce contre quoi j’ai en revanche plus de mal à lutter, c’est ma curiosité culinaire. Lorsque j’ai l’occasion de goûter du homard dans le plat de mon voisin, je ne peux pas résister. J’ai envie de savoir pourquoi on en fait tout un plat de ce crustacé. J’ai compris en une bouchée. Lorsque je m’en vais dans les contrées québécoises et qu’on me propose de goûter des oreilles de crisse ou de la langue de caribou, je goûte. Un tout petit morceau. J’ai même testé les vers à soie que mon frère a ramenés de Corée. Au passage, ce n’était pas la meilleure expérience de ma vie. Et je sais que si un jour on me proposait de goûter du serpent ou du crocodile, j’en croquerai une bouchée. Vraiment juste pour goûter.
Pour trouver Delphine Jung
Twitter : @delphinejung